Dans un jugement récent de la Cour du Québec, division des Petites créances1 , le tribunal a jugé que le syndicat poursuivi par des copropriétaires, était responsable des frais de travaux correctifs à une cheminée d'une unité de condo.
Les prétentions des parties
Les copropriétaires d'une unité de condominium réclament au syndicat la somme de 2 793,21$ en remboursement des travaux correctifs qu'ils ont dû payer parce que la cheminée qui dessert leur unité ne respectait pas les exigences du Code National du Bâtiment (" CNB "). Ils réclament également 706,12$ pour les honoraires de leur avocat, dont ils ont retenu les services, aux fins de déterminer la responsabilité des parties quant au paiement de ces travaux.
Pour sa part, le syndicat conteste cette réclamation au motif que l'utilisation du foyer est exclusive à ces copropriétaires, et pour cette raison, il n'encourt aucune responsabilité quant au paiement des travaux correctifs. Quant aux honoraires d'avocat, le syndicat plaide que les copropriétaires étaient libres de consulter un avocat pour se faire conseiller, mais que le syndicat ne peut être tenu responsable de ces frais.
Le Syndicat appelle en garantie dans le présent dossier la compagnie à numéro qui a construit le bâtiment, et qui ultimement, selon le syndicat, est responsable des vices de conception ou de construction.
Les faits retenus par le Tribunal
L'unité des copropriétaires demandeurs est dotée d'un foyer.
Par une lettre, le Service des incendies de la municipalité a avisé les copropriétaires qu'il y a raison de croire que l'installation de la cheminée du foyer de leur unité présente un risque de propagation potentielle advenant un incendie. Le Service des incendies leur interdit de se servir des foyers avant que le syndicat puisse les faire inspecter par un expert qualifié.
Lors d'une session d'information à laquelle sont conviés les officiers et administrateurs du Syndicat, le Service des incendies confirme alors qu'il interdit l'utilisation des foyers des unités de la copropriété en raison de la configuration non conforme aux normes applicables et de l'étanchéité déficiente des conduits de fumée dans les cheminées. Il s'agirait donc d'un vice de construction selon le Service des Incendies.
Un ingénieur retenu par le syndicat a inspecté les foyers des deux unités dotées d'un foyer, et il conclut que les foyers préfabriqués au bois et au gaz, dont celui de l'unité des demandeurs, présentent de graves déficiences quant à leur installation qui ne respecte pas, à plusieurs égards, les normes en vigueur au moment de la construction. Selon le Service des incendies, cela constitue un risque sérieux d'incendie, et il recommande donc des travaux correctifs importants.
Le Syndicat obtient des soumissions en fonction des plans et devis préparés à la demande du Syndicat par un technologue, dont une est retenue lors d'une assemblée générale des copropriétaires. Quelques semaines plus tard, les travaux sont réalisés dans les unités affectées, dont celle des copropriétaires demandeurs.
Toutefois, des copropriétaires, dont certains qui n'ont pas de foyer dans leur unité, estiment qu'ils ne devraient pas avoir à assumer les frais de ces travaux via les charges communes, et que seuls les copropriétaires dont l'unité est dotée d'un foyer devront payer.
Une fois que cette position de la part de certains copropriétaires est connue par les copropriétaires demandeurs, ces derniers retiennent les services d'un avocat spécialisé en copropriété afin d'obtenir un avis juridique sur la question de la responsabilité des coûts des travaux correctifs.
Dans son avis juridique, l'avocat conclut que tous les copropriétaires du syndicat doivent assumer les coûts reliés à la réparation ou au remplacement des deux cheminées, même si seulement deux unités sont dotées d'un foyer.
Les copropriétaires demandeurs transmettent cet avis juridique aux autres copropriétaires ainsi qu'au syndicat, mais les copropriétaires maintiennent leur refus de participer au coût des travaux correctifs.
Parce que les travaux correctifs sont réalisés et jugés conformes par le Services des incendies de la municipalité, les copropriétaires demandeurs paient le coût des travaux, ainsi que les honoraires de leur avocat pour l'avis juridique obtenu, pour ensuite réclamer le remboursement par le Syndicat.
Le droit applicable et l'analyse par le Tribunal
Selon la preuve des expertises de l'ingénieur retenu par le syndicat et les témoignages entendus, l'installation de la cheminée de l'unité de copropriété des demandeurs ne répondait pas aux normes de construction et de sécurité en vigueur au moment de la construction de l'unité des demandeurs et présentait un danger sérieux d'incendie.
Selon le rapport et le témoignage de l'ingénieur, il s'agit d'un vice de construction ou de conception.
Dans les circonstances, les copropriétaires demandeurs plaident que la responsabilité du syndicat découle de l'article 1077 C.c.Q. :
" 1077. Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de conception ou de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toute action récursoire. "
Malgré l'article 1077 C.c.Q., le Syndicat plaide qu'il n'est pas tenu de rembourser aux demandeurs ce qu'ils ont payé pour les travaux correctifs, puisque la cheminée est une partie commune à usage restreint dont ils sont les seuls à bénéficier. Il réfère à l'article 1064 C.c.Q. :
" 1064. Chacun des copropriétaires contribue, en proportion de la valeur relative de sa fraction, aux charges résultant de la copropriété et de l'exploitation de l'immeuble, ainsi qu'au fonds de prévoyance constitué en application de l'article 1071. Toutefois, les copropriétaires qui utilisent les parties communes à usage restreint contribuent seuls aux charges qui en résultent. " (Le Tribunal souligne)
Toutefois, le Tribunal rappelle aux parties que la Cour d'Appel2 a clarifié l'interprétation à donner à cet article et a fait la différence entre l'entretien des parties communes à usage restreint auxquelles seuls leurs copropriétaires sont tenus, et les réparations majeures auxquelles tous les copropriétaires sont tenus. Sur ce point, la Cour d'Appel est arrivée à la conclusion que le terme «charges qui en résultent», réfère seulement aux frais de réparations mineures et d'entretien, et non pas aux frais des réparations majeures et de remplacement des parties communes.
Le syndicat n'a pas contesté le fait que la déclaration de copropriété ne traite pas des cheminées ni des foyers, elle ne précise pas si les cheminées sont des parties communes ou des parties communes à usage restreint.
Le Tribunal est d'avis que, bien que les foyers soient situés à l'intérieur des murs de l'unité des demandeurs qui est une partie privative, les cheminées sont des parties communes à usage restreint, étant destinées à la jouissance exclusive des copropriétaires considérés individuellement. Selon le Tribunal elles sont assimilables aux portes, fenêtres, murs extérieurs et balcons.
Le Tribunal remarque qu'il n'est pas contesté par les parties que la déclaration de copropriété ne comporte pas de clauses particulières permettant de déroger à la règle de la Cour d'appel, tel qu'une clause permettant au syndicat de tenir compte de l'utilisation des parties communes à usage restreint pour établir la contribution du copropriétaire utilisateur.
Le Tribunal juge que le Syndicat doit rembourser aux copropriétaires demandeurs le coût des travaux correctifs de la cheminée de leur unité, soit 2 793,21$.
Par ailleurs, le Tribunal n'accorde pas aux copropriétaires demandeurs le remboursement des honoraires payés à leur avocat. Le bénéfice de cet avis juridique n'a été que purement personnel pour les copropriétaires demandeurs.
Quant au constructeur de l'immeuble, selon le Tribunal, le Syndicat était en droit d'appeler dans ce dossier vu la nature du vice affectant l'unité des demandeurs et l'article 1077 C.c.Q. qui prévoit expressément la possibilité de le poursuivre. Selon le Tribunal, le constructeur devra donc tenir le Syndicat indemne de la condamnation prononcée dans le présent dossier, en capital, intérêts et frais.
Pour ces raisons, le Tribunal a condamné le Syndicat à payer aux copropriétaires demandeurs la somme de 2 793,21$ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code Civil du Québec à compter du dépôt de la demande, plus les frais judiciaires de 132$.
Le Tribunal a aussi condamné la compagnie à numéro, constructeur de l'immeuble, à payer au Syndicat la totalité de la présente condamnation en capital, intérêts et frais.
1. No cour 505-32-029835-122, 2015 QCCQ 9572
2. Gestion Almaca c. Syndicat des copropriétaires du 460 St-Jean, 2014 QCCQ 105. (C.A)