La tombée des feuilles, à l'automne, peut créer chez certains voisins des situations conflictuelles, selon la tolérance de chacun. Les oiseaux, et même les arbres qui les attirent, ne sont pas vus par tous de la même façon. Ils sont gage de beauté, nature et paix pour certains, alors que pour d'autres, il sont surtout à la base de complications et de frustrations.
Il est important de comprendre, également, que la loi prévoit que les voisins, de façon générale, doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage, qui n'excèdent pas la tolérance qu'ils se doivent suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux (article 976 du Code civil du Québec (CcQ)). D'autre part, le droit de propriété est un droit complet permettant d'user, de jouir et de disposer librement et complètement d'un bien.
Au surplus, la réglementation municipale peut venir baliser la présence des arbres sur les terrains.
Voici un jugement rendu en la matière (1) : Dans cette décision, les requérants demandent à leurs voisins de couper leur érable argenté, pour la raison que les samares (hélicoptères), au printemps et à l'été et les feuilles, l'automne venu, bloqueraient leurs gouttières et le filtre de leur piscine, salissent leur terrain et leur patio. Ceci leur causerait différents dommages.
Les demandeurs allèguent devoir ramasser dix à quinze sacs de feuilles à l'automne, vider la gouttière plusieurs fois dans l'année et mettre plusieurs heures au nettoyage de la piscine, en plus d'avoir dû changer la toile deux fois et avoir dû installer un gazebo sur leur patio pour empêcher les feuilles de tomber dans leurs assiettes.
Selon le jugement rendu, les défendeurs soutiennent que leurs anciens voisins ne se sont jamais plaints de ces éléments, qu'ils font élaguer leur arbre à tous les deux ans par des professionnels. Leur expert mentionne que les demandeurs auraient la possibilité de poser un grillage sur leurs gouttières et une toile sur leur piscine.
Dans son appréciation, le juge fait mention qu'il s'agit d'un environnement de banlieue où l'on retrouve plusieurs arbres; celui dont il est question est situé à trois pieds du terrain des demandeurs.
Le juge fait mention des principes fondamentaux du droit de propriété: le droit d'user, de jouir et de disposer librement de son bien sous réserve des limites et des conditions d'exercice fixées par la loi. Cette limite est l'inconvénient qui excède la tolérance normale que les voisins se doivent, tel que plus tôt mentionné suivant l'article 976 CcQ.
Ensuite, le juge traite de trois jugements qui méritent d'être mentionnés :
Dans le premier, Labine-Forget c. Ionescu et als (9 janvier 2004), le juge accueille le recours des demandeurs en partie en ordonnant la coupe d'un des trois pins visés par la demande. Il est mentionné dans la décision qu'il était rendu trop gros et sa résine et ses aiguilles entravaient le fonctionnement d'une piscine voisine qu'il surplombait.
Dans le deuxième, Lapointe et als c. Degrosbois et als (11 novembre 2004), le juge rejette le recours, étant en désaccord avec le jugement précédent, malgré le fait que trois peupliers laissent tomber des chatons cotonneux chez le voisin, en plus d'attirer des oiseaux bruyants et salissants et de faire de l'ombre sur la piscine des voisins. Toutefois, la décision originale mentionne ceci: « Il en serait tout autrement si par leurs racines les arbres endommageaient les fondations ou encore le système de drainage des résidences.»
De retour à la décision initiale, le troisième jugement, Thibodeau c. Leduc (4 octobre 2006), rejette également le recours pour faire couper un érable argenté dont les racines, les samares et les feuilles gênent le demandeur, dont les gouttières sont, entre autres, obstruées.
Concernant la tolérance que les voisins se doivent, le juge mentionne ce qui suit dans sa décision: «L’imprécision des critères de l’article 976 impose donc au juge une démarche d’appréciation plutôt délicate, et comme on le voit de la jurisprudence citée, presque personnelle.» Il fait ensuite mention que dans les deux dernières décisions, les personnes ont fait le choix de vivre en banlieue sur des terrains avec de la verdure, que la chute des feuilles et des samares est un phénomène naturel, qu'il suffit de nettoyer, et que cela rencontrerait le seuil de tolérance de l'article 976 CcQ. Tous les goûts étant dans la nature, il est mentionné également qu'il faut vérifier si les demandeurs ont pris des moyens pour se soustraire aux inconvénients vécus (par exemple, dans ce cas, la pose d'un grillage sur les gouttières) et si les dommages sont permanents.
Également: «dans la recherche d’un équilibre entre les usages en cause, (piscine, gouttières, patio et arbre), le tribunal estime que le demandeur en injonction doit démontrer qu’il a pris des moyens usuels pour se soustraire aux inconvénients qu’il rencontre, comme le ferait un bon voisin.
Ici, le demandeur est formel, il ne posera pas de filet sur sa piscine ni de grillage sur ses gouttières durant la période des samares. De l’avis du tribunal, ces deux opérations, parfaitement usuelles, représenteraient bien peu en vue de régler un problème que les demandeurs qualifient d’intolérable. Le tribunal croit que tel est l’esprit de voisinage proposé par le législateur.»
La preuve ne permet pas au juge de déterminer clairement que les sommes demandées sont attribuables à l'arbre des défendeurs et que le préjudice subi nécessite l'ordonnance de couper l'arbre.
Ainsi, le juge rejette la requête des demandeurs.
Le résumé de cette décision nous mène à penser que la tolérance que se doivent les voisins concernant les inconvénients apportés, entre autres, par les arbres, est suffisamment élevé. Il est primordial de tenter, en premier lieu, de s'entendre avec son voisin et de tenter de minimiser ses dommages avant d'en venir à des procédures longues et coûteuses.
(1) 200-17-009044-074 (21 juillet 2009)