Syndicat des copropriétaires du Château Corot c. Tanaka et autres 2011 QCCQ 2828

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16 mai 2011

 

Le Syndicat des copropriétaires réclame des copropriétaires défendeurs le paiement de cotisations spéciales pour le parachèvement d'importants travaux de réparation et d'entretien débutant en avril 2008, portant sur des parties communes, afin de régler un problème majeur d'infiltrations d'eau.

Le Syndicat réclame, en sus, à trois des défendeurs le paiement d'une cotisation spéciale pour l’année 2008 qu’ils n’ont pas acquitté.

Hormis ces trois défendeurs les quinze autres défendeurs présentent une défense commune et allèguent que:


 

  • Les avis de cotisation en litige n'ont pas fait l'objet de l'approbation et de l'adoption préalable du budget par l'assemblée générale des copropriétaires qui sont requises par la Déclaration de copropriété et du Code civil du Québec.

  • En l'absence de telles approbations, les avis de cotisation émis par le conseil d'administration sont invalides, ils ne peuvent servir de fondement au recours judiciaire institué par le syndicat.

  • L'art. 1072 C.c.Q. est d'ordre public de protection en ce qui concerne l'obligation de consulter.

  • Les avis de cotisation qui ont été émis par le conseil d’administration, ne s'inscrivent pas dans la situation juridique acquise au sein de la copropriété.

  • Il est inconcevable en droit que la Déclaration de copropriété respectée avec constance, tant avant que pendant plus de treize ans après l'adoption du nouveau Code civil, puisse être unilatéralement mise de côté par le conseil d'administration.

  • Les défendeurs soumettent que le moyen d’irrecevabilité soulevé par le demandeur en vertu de l’article 1103 C.c.Q. serait inapplicable car l'assemblée des copropriétaires n'a pas pris de décision, ils ne demandent pas à cette Cour de prononcer l'annulation de la décision qui n’a pas été prise.

Selon le syndicat:

La Déclaration de copropriété n’attribue pas à l’assemblée des copropriétaires le pouvoir d’approuver les travaux de conservation et d’entretien des parties communes. Elle confie aux administrateurs le pouvoir de réparer les parties communes aux frais des copropriétaires.

  • Le vote tenu à ce sujet, lors de l’assemblée annuelle n’était pas nécessaire pour valider l’exercice des pouvoirs du conseil d’administration de décider des travaux de conservation et d’entretien

  • Même si le vote a pu être présenté comme étant consultatif, il a permis aux copropriétaires de s’exprimer formellement sur les questions soumises. Malgré l’utilisation de l’expression «vote consultatif» lors de l’assemblée du 20 novembre, dans les faits, un vote formel et décisionnel a été tenu pour chaque décision prise.

  • Les défendeurs sont forclos de demander l’annulation des décisions prises par l’assemblée. Il invoque le délai de déchéance de soixante jours prévu à l’article 1103 C.c.Q.

  • Les défendeurs n’ont pas démontré qu’ils subissent un préjudice, à part celui d’avoir à payer leur quote-part des travaux qui bénéficient à leur fraction.

Le droit

Les articles 1053, 1072, 1077 et 1103 C.c.Q sont au cœur de l'analyse pour trancher ce litige.

Ce litige soulève les questions suivantes:

  • Les dispositions de l’article 1072 C.c.Q. quant au pouvoir décisionnel du conseil d’administration du syndicat, ont-elles préséance sur le pouvoir décisionnel de l’assemblée des copropriétaires prévu dans la Déclaration de copropriété ?

  • Lors de l’assemblée générale annuelle du 20 novembre 2008, le syndicat avait-il l’obligation de faire adopter le budget pour le parachèvement des travaux et leur financement ou devait-il se limiter à consulter les copropriétaires sur ces questions ?

  • Le moyen d’irrecevabilité soulevé par le syndicat qui invoque le délai de déchéance de l’article 1103 C.c.Q. est-t-il fondé ? Dans la négative, existe t-il un motif valable pour annuler les cotisations spéciales et les rendre inopposables aux défendeurs ?

ANALYSE ET MOTIFS

  • À la lumière de la doctrine sur le sujet, dans le cadre de l’application de l'article 1072 C.c.Q., en ce qui concerne des travaux d’entretien des parties communes et de conservation de l’immeuble et leur financement, Le Tribunal reconnaît qu’en vertu de la loi, la décision finale revient au conseil d’administration du syndicat, c’est ce qui se dégage de l’article 1072 C.c.Q. qui est d’ordre public.

  • L’article 1072 C.c.Q., tel que rédigé, n’exige pas, comme condition de forme, la tenue d’un vote à l’occasion de la consultation à l’assemblée des copropriétaires, il ne l’interdit pas non plus.

  • Cependant, si un vote est tenu en assemblée des copropriétaires, dans le cadre de la consultation sur le budget pour des travaux majeurs (entretien, réparations, conservations) et leur financement, il ne peut s’agir que d’un vote indicatif ou consultatif et non pas d’un vote décisionnel, ayant pour effet d’outrepasser le pouvoir conféré au conseil d’administration par l’article 1072 C.c.Q.

  • En l’espèce, le Tribunal estime qu’on ne peut pas écarter les dispositions claires prévues à la Déclaration de copropriété qui déterminent, pour l’adoption du budget, le pouvoir décisionnel de l’assemblée des copropriétaires que le syndicat a toujours appliqué et respecté de 1987 jusqu’en 2007.

  • Le syndicat est tenu d’appliquer ces dispositions tant et aussi longtemps qu’elles ne sont pas déclarées invalides par un tribunal, ou que la Déclaration de copropriété n’est pas modifiée. C’est ce qui se dégage de l’enseignement de la Cour d’appel dans l’arrêt Syndicat des copropriétaires du Château Renaissance c. Industries d'Orcini Ltd. qui supporte, en effet, la position des défendeurs.

  • Il ressort de la preuve que le Conseil d’administration a informé et consulté l’assemblée des copropriétaires sur la nature des travaux, leurs coûts, le budget et l’emprunt requis, et qu’il y a preuve suffisante pour établir que le conseil d’administration a agi en toute transparence et de bonne foi.

  • Il est vrai que le Code civil du Québec est muet sur l’instance décisionnelle pour l’approbation des travaux de conservation et d’entretien. La Déclaration de copropriété en l’espèce n’attribue pas explicitement à l’assemblée des copropriétaires le pouvoir d’approuver les travaux de conservation et d’entretien des parties communes.

  • En l'espèce, l’implication décisionnelle de l’assemblée des copropriétaires est requise pour les travaux en question car selon la Déclaration de copropriété, l’assemblée des copropriétaires doit adopter le budget. Son approbation est requise pour autoriser l’emprunt de plus d’un million de dollars auprès d’une institution financière.

  • Il est en preuve que la majorité des copropriétaires, détenant plus de 80% des quotes-parts dans la copropriété, s'est prononcée lors de l’assemblée générale en faveur du parachèvement des travaux, de leur financement et de l'adoption du budget présenté.

  • Le Tribunal retient des témoignages crédibles des membres du conseil d'administration que les votes des copropriétaires, lors de l’assemblée générale précédant la décision du conseil d’administration pour établir les cotisations spéciales au cœur de ce litige, dépassaient le seuil d’une simple consultation.

  • Le Tribunal estime qu’il y a ici ouverture à l’application de l’article 1103 C.c.Q. car, d’une part, il y a preuve suffisante que les copropriétaires se sont prononcés lors de l’assemblée des copropriétaires sur les travaux, leur financement, le budget pour lesquels les cotisations spéciales attaquées sont établies par la suite par le conseil d’administration.

  • Les défendeurs n’ayant pas intenté de recours afin de faire annuler la décision de l'assemblée des copropriétaires dans les soixante jours de l'assemblée, le moyen d’irrecevabilité soulevé par le syndicat est bien fondé. Les défendeurs sont en effet forclos d’attaquer les décisions de cette assemblée des copropriétaires et des cotisations spéciales qui en ont résulté.

  • Même si l’article 1103 du Code civil du Québec ne s’applique pas en l’instance, vu la preuve que la majorité des copropriétaires s'est prononcée en assemblée générale par vote distinct en faveur du budget, du parachèvement des travaux et de leur financement et vu que l’irrégularité alléguée des votes n’a pas créé une injustice envers les défendeurs qui n’ont pas démontré subir un préjudice ou qu’il existe des motifs valables pour justifier l’intervention de la Cour.

  • Lors de la modification de la Déclaration de copropriété, l’insertion d’une clause de médiation serait une option utile et pratique à considérer pour la résolution de conflits.

  • Le Tribunal partage l’opinion de Me Gilles Simard, notaire, voulant que la médiation soit une démarche souple, privée et confidentielle, tout autant que rapide et moins coûteuse que l'arbitrage ou le recours judiciaire. La médiation permet de favoriser un maintien de relations harmonieuses dans un immeuble en copropriété.

  • Pour les motifs exprimés précédemment, le moyen d’irrecevabilité étant fondé, la défense doit échouer et la demande doit être accueillie.

  • La Déclaration de copropriété permet au syndicat de réclamer des défendeurs le montant qu'il doit encourir pour la perception des cotisations réclamées en l'instance lesquels sont réclamés en vertu des obligations contractuelles des parties.

  • Il est en preuve que le syndicat a engagé des honoraires extrajudiciaires de l’ordre de 28 950,63 $ pour la perception des montants portant sur des travaux auxquels les défendeurs sont tenus de contribuer.

  • Les défendeurs n’ont soulevé aucune raison valable pour permettre d’écarter les dispositions pertinentes de la Déclaration de copropriété concernant le remboursement des honoraires extrajudiciaires encourus par le syndicat pour recouvrer les cotisations spéciales qu’ils n’ont pas acquittées.

  • Appliquant le principe de proportionnalité, vu le montant impayé et réclamé à chacun des défendeurs puisque le syndicat n’avait d’autre choix que d’intenter des procédures judiciaires afin d’obtenir un jugement au fond contre les défendeurs, le Tribunal estime raisonnable d’accorder le montant de 2 412,55 $ réclamé à chacun des défendeurs à titre d’honoraires extrajudiciaires.

  • Les défendeurs n’ont soulevé aucun motif valable pour permettre d’écarter l’application de la Déclaration de copropriété pour les intérêts réclamés qui sont déterminables, et en conséquence, les intérêts réclamés doivent être accordés.

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