Dans une décision récente de la Cour du Québec, division des petites créances1, le Tribunal a jugé que le syndicat des copropriétaires avait le droit de récupérer les frais raisonnables engagés pour les mesures d'hypothèque légale prises contre un copropriétaire qui ne payait pas ses charges communes.
Le contexte selon le Tribunal
Le Syndicat réclame 7 901,41 $ à l'un des copropriétaires de l'immeuble. Le syndicat demande que le copropriétaire soit condamné à lui rembourser cette somme, laquelle représente les honoraires et débours extrajudiciaires de ses avocats. Le syndicat a engagé ces frais dans ses efforts pour recouvrer les frais de condo réguliers et une cotisation spéciale impayés par le copropriétaire. Le syndicat a publié une hypothèque légale contre la fraction du copropriétaire et a signifié un préavis d'exercice de son droit.
Pour sa part, le copropriétaire s'est défendu, et a dit qu'il ne devait rien au syndicat à cause de l'article 2762 alinéa 2 du Code civil du Québec, lequel se lit comme suit:
2762. Le créancier qui a donné un préavis d'exercice d'un droit hypothécaire n'a le droit d'exiger du débiteur aucune indemnité autre que les intérêts échus et les frais engagés.
Nonobstant toute stipulation contraire, les frais engagés excluent les honoraires extrajudiciaires dus par le créancier pour des services professionnels qu'il a requis pour recouvrer le capital et les intérêts garantis par l'hypothèque ou pour conserver le bien grevé.
Les questions du Tribunal
Le Tribunal estime que la question principale est celle-ci : Le Syndicat a-t-il le droit de recouvrer du copropriétaire les honoraires et débours extrajudiciaires encourus pour faire valoir les droits de la copropriété?
Le Tribunal rappelle aux parties que la tendance de la jurisprudence2 est à l'effet de reconnaître que des clauses contractuelles qui prévoient le remboursement des honoraires et déboursés peuvent être valides. Il rappelle également que le Tribunal exerce un pouvoir de contrôle et devra évaluer si les frais engagés sont raisonnables, et qu'une déclaration de copropriété est assimilée à un contrat.
D'ailleurs, le Tribunal remarque qu'il existe des exemples d'autres causes concernant des déclarations de copropriété dans lesquelles des clauses traitant des honoraires et déboursés du syndicat ont été déclarées valides malgré l’existence de l’article 2762 alinéa 2 C.c.Q.
Mais, le Tribunal souligne que la clé est le fait de savoir si la déclaration de copropriété le prévoit via une disposition claire en ce sens. Si la déclaration le prévoit, et que les frais engagés sont raisonnables, le syndicat peut en exiger le remboursement par le copropriétaire. Il fait remarquer aux parties qu'il n'est pas normal que la collectivité des copropriétaires assume les honoraires d'avocats et les déboursés engagés lorsqu'il doit prendre des recours judiciaires contre un copropriétaire qui néglige ou refuse de payer ses charges communes.
Le Tribunal est de l'avis que ce genre de clause dans une déclaration de copropriété est justifiée afin que les autres copropriétaires ne soient pas pénalisés financièrement par des dépenses additionnelles engagées par le syndicat à cause d'un autre copropriétaire qui ne paie pas.
Selon le Tribunal, le syndicat n'est pas un créancier hypothécaire traditionnel qui a le choix de son débiteur, et il n'est pas dans une position de force face à son débiteur au même point qu'une banque, et les limites imposées à un créancier par l'article 2762 C.c.Q. ne tiennent pas compte de la relation d'un syndicat des copropriétaires versus le copropriétaire. Il est d'avis que l'intention de la loi via cet article n'est pas de priver le syndicat de copropriété de la possibilité de se faire rembourser ses frais d'avocats et ses déboursés, si la déclaration de copropriété le permet.
Le Tribunal remarque que la créance du syndicat pour les charges communes impayées vise des sommes dues par le copropriétaire, qui sont essentielles pour la conservation de l'immeuble, et non pas des sommes dues et impayées en vertu d'un prêt consenti par une banque.
D'ailleurs, la banque a le choix de son débiteur dans une relation d'affaires, ce que le syndicat des copropriétaires n'a pas :il doit pouvoir recevoir son dû du copropriétaire, qu'il soit bon ou mauvais payeur. C'est par le fait de devenir copropriétaire que les personnes s'engagent envers le syndicat à contribuer aux charges.
Ceci dit, le Tribunal a remarqué que la déclaration de copropriété fut modifiée par une décision majoritaire de l'assemblée des copropriétaires pour adopter une clause permettant au syndicat de récupérer les honoraires et autres frais engagés pour l'inscription des hypothèques légales contre la fraction d'un copropriétaire qui fait défaut de payer sa contribution aux charges pendant plus de trente jours.
Toutefois, le Tribunal souligne que cette modification à la déclaration de copropriété n'a pas d'effet rétroactif. Conséquemment, elle ne peut s'appliquer aux frais d'avocats et déboursés engagés par le syndicat à l'égard de ce copropriétaire avant la date d'adoption de la modification. Donc, le montant qui peut être accordé au syndicat doit être réduit à 4511,98$, représentant seulement la portion des honoraires et déboursés raisonnables engagés dans le cadre de l'hypothèque légale contre le copropriétaire après la date d'adoption de la modification de la déclaration de copropriété.
Conséquemment, le Tribunal a accueilli en partie la demande du syndicat, et a condamné le copropriétaire à payer à celui-ci la somme de 4511,98$, plus des intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., et les frais judiciaires.
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