La densité de la population augmente au Québec, la grandeur des terrains tend à diminuer dans les villes et les maisons se rapprochent des limites séparant les terrains. Le droit de propriété d’un immeuble donne le droit d’en user, d’en jouir et d’en disposer librement et complètement. Ce droit de propriété est toutefois balisé et souffre parfois de certaines exceptions dans le but de ne pas nuire aux droits et à l’intimité des voisins. Ainsi, on ne peut construire toutes les fenêtres possibles si la maison est près des lignes vous séparant des voisins.
Selon l’article 993 du Code civil du Québec, on ne peut avoir de vue droite sur le terrain du voisin à moins de 1.5 mètre de la ligne séparative, sauf si la vue donne sur la voie publique ou un parc public. La distance se mesure du parement extérieur du mur où l’ouverture est faite, jusqu’à la ligne séparative. S’il y a une fenêtre en saillie, on mesure alors de l’extérieur de la fenêtre. Pour pratiquer une ouverture dans un mur qui est mitoyen, donc séparant deux propriétés, quelle qu’elle soit, il faut demander l’accord de l’autre.
Une vue est une ouverture permettant de laisser passer l’air et les regards selon l’arrêt Boutin c. Bérard (1). La vue directe est celle qui permet de voir droit devant sans tourner la tête, permettant d’observer sans effort le fonds voisin. Les vues obliques sont maintenant permises, ne faisant plus l’objet d’une restriction dans la loi, celles-ci permettant de voir chez le voisin que si on sort la tête de l’ouverture. Le tribunal, dans le jugement récent Lafleur c. Myre, fait remarquer que la rédaction de l’article 993 CcQ «n'exige pas une vue à l'intérieur de la maison d'un voisin ou d'une cour intérieure, mais plutôt "une vue directe sur le fonds du voisin" ("a direct view on the neighbouring land"). Le Tribunal souligne les mots "fonds" ou "land" plutôt que les mots "habitation" ou "cour", qu'aurait pu utiliser le Législateur» (2).
Les restrictions de distance ne s’appliquent pas s’il s’agit de portes pleines ou des jours à verre translucide ou dormant. Un jour translucide ou dormant permet à la lumière de passer, sans toutefois distinguer les objets à l’extérieur et ne permet pas non plus de s’ouvrir.
S’il y a des balcons, ce n’est pas considéré, au sens de la loi, comme étant une vue illégale depuis 1994 (3), considérant notamment le fait que le calcul se fait à partir du mur. C’est plutôt les municipalités qui règlementeront ce type de construction, au niveau des marges. D’autres types de vue ont été légalisés en même temps, soit les vues indirectes ou obliques dont le législateur ne fait plus mention.
Les vues illégales sont généralement révélées par l’arpenteur-géomètre lors de la confection d’un certificat de localisation. Même si la situation perdure depuis longtemps, détrompez-vous, elle n’est pas créatrice de droits. Pour corriger une situation détectée, une servitude de vue pourrait être consentie par le propriétaire voisin qui subit les vues illégales. Si votre voisin y consent, il faudra signer le document chez un juriste et le publier au Registre foncier. Le voisin pourrait également simplement tolérer la situation, mais cela ferait en sorte qu’il conserve son droit de demander que cesse la vue illégale à tout moment.
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1. Boutin c. Bérard 1997 R.D.I. 108-110 (C.S.).
2. Lafleur c. Myre, 2011 QCCS 7376, para. 7 ( Juge MARK G. PEACOCK).
3. Stucki c. De Michelle, CA, 11 mai 1997.