Un couple recherche un condominium, et après deux visites dont une du stationnement intérieur et une semaine après la première visite, madame achète le condominium. Monsieur n'est pas l'un des acheteurs en titre, mais intervient à l'acte d'achat.
Deux espaces de stationnement intérieur sont inclus dans la vente. Monsieur constate que son camion est trop haut pour entrer dans le stationnement à cause des barrières de sécurité qui sont installées et qui visent à protéger la tuyauterie du plafond du stationnement. Il prend l'habitude de stationner dans les stationnement extérieur pour visiteurs. Le syndicat avise, par écrit, madame et monsieur, mais la situation se détériore, le véhicule est remorqué à quelques reprises par un remorqueur dûment mandaté à cet effet par le syndicat. Une ordonnance de sauvegarde est prononcée par la Cour supérieure qui enjoint à madame et à monsieur de cesser immédiatement et en tout temps de stationner le véhicule pick-up sur l'un des espaces de stationnement extérieur de l'immeuble, et ce, pour valoir jusqu'à audition au mérite.
Madame et monsieur attaquent le syndicat sur plusieurs fronts:
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En amendant la déclaration de copropriété, en 2006, le syndicat a changé la destination de l'immeuble et des parties communes sans obtenir, tel que requis, l'unanimité des voix de la copropriété. Dès lors, les dispositions qui empêchent monsieur de stationner son camion soit à l'intérieur ou dans les espaces publics sont illégales. Ces restrictions à leur droit de propriété ne sont pas justifiées par la vocation de l'immeuble et que des aménagements auraient été possibles pour respecter ce droit.
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Des dommages totalisant 45 339,49$
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Les demandeurs réclament une injonction permanente dirigée contre le syndicat, afin qu'il lui soit ordonné de retirer la barre transversale installée dans le garage pour permettre le stationnement du camion de monsieur et qu'il lui soit également permis de stationner ce véhicule sur les parties communes extérieures de stationnement. Ils demandent aussi que soient déclarés invalides les articles 8.16 et 7.3.2 de la déclaration de copropriété modifiée par celle de 2006.
Les arguments en défense
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Le syndicat plaide que ces copropriétaires ont eu l'occasion, avant de se porter acquéreurs, de constater l'état physique du stationnement et de la hauteur permise, de prendre connaissance de la déclaration de copropriété avec les restrictions d'usage du stationnement, le tout plus d'un an après les amendements apportés à la déclaration de copropriété de 2006.
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Monsieur n'a pas l'intérêt requis pour rechercher les conclusions puisqu'il n'est pas propriétaire.
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Il n'y a pas eu de changement de destination quant aux espaces de stationnement, que toutes les dispositions du Code civil ont été respectées et que de toute façon, le recours des demandeurs en annulation de la déclaration de copropriété de 2006 est prescrit.
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Les dommages réclamés sont exagérés et excessifs et le recours est futile et vexatoire.
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Conformément à l'article 1103 du Code civil du Québec, le syndicat réclame des dommages se chiffrant à 19 445,43$, soit l'équivalent des honoraires et déboursés extrajudiciaires de leur avocat pour se défendre contre la requête des demandeurs.
LES QUESTIONS EN LITIGE
L'irrecevabilité de la demande de l'époux
À l'avis du Tribunal, Monsieur n'a clairement pas l'intérêt requis pour demander une ordonnance d'injonction, ni pour contester la décision du syndicat de modifier la déclaration de copropriété et non plus pour réclamer des dommages pour privation de son droit de propriété qu'il ne détient pas.
Quant aux dommages, certains postes de réclamation ne peuvent être plaidés par monsieur, mais certaines réclamations mineures peuvent être considérées de la nature d'un recours extra-contractuel qui pourrait donner ouverture à des dommages-intérêts si une faute extra-contractuelle du syndicat est prouvée. Comme telle, la requête intégrale du syndicat en irrecevabilité n'est pas accueillie.
Le changement de destination de l'immeuble
Dans le présent cas, le Tribunal conclut que réglementer l'usage des espaces de stationnement ne constitue pas un changement de la destination de l'immeuble qui demeure toujours résidentiel. Le Tribunal ne retient pas l'argument de madame et de monsieur suivant lequel l'adoption de la nouvelle déclaration de copropriété de 2006 constitue un tel changement.
La contestation de l'adoption de la déclaration de copropriété de 2006
Le Tribunal a déjà décidé que la déclaration de copropriété de 2006 ne constitue pas un changement de destination de l'immeuble. Dès lors, ce n'est pas l'article 1098(1) qui s'applique, mais plutôt l'article 1097 (4) du Code civil du Québec. Le résultat du vote, tel que divulgué au procès par le notaire instrumentant de la modification satisfait entièrement aux exigences de l'article 1097 C.c.Q. puisqu'il est de 80% et plus.
Le délai de contestation en vertu de l'article 1103 C.c.Q.
Monsieur n'a pas l'intérêt requis pour attaquer une telle décision. Quant à madame, il faut voir si sa demande d'annulation entre dans le cadre prévu à l'article 1103 C.c.Q., soit l'un des quatre cas prévus par la loi : décision partiale, décision prise dans l'intention de nuire aux copropriétaires, erreur dans le calcul des voies et décision prise au mépris des droits d'un copropriétaire. Manifestement, madame invoque le dernier cas. Par contre, sa contestation n'est pas intentée dans les 60 jours de l'assemblée comme la loi le prévoit. Lorsque madame et monsieur s'adressent au Tribunal pour obtenir l'annulation de la décision de l'assemblée de 2006, plusieurs années se sont écoulées et ils sont nettement hors délai.
Madame et monsieur ne citent aucune autorité qui permettrait d'ignorer le délai de 60 jours prévu au Code civil et la jurisprudence qu'ils citent dans leur plaidoirie écrite n'est d'aucun secours pour cette question précise. Il peut y avoir certaines exceptions, soit lorsqu'il y a contravention à une disposition d'ordre public, qu'il y a décision discriminatoire ou à l'encontre des droits fondamentaux de madame et de monsieur, mais ce n'est pas le cas ici. Le Tribunal considère que les articles 7.3.2 et 8.16 de la déclaration ne constituent pas une atteinte aux droits fondamentaux des demandeurs, mais un aménagement de l'exercice des règles relatives aux stationnements au sens de l'arrêt Kilzi et une restriction raisonnable au sens de l'arrêt Morgan.
Le consentement des acheteurs
Lorsque madame, avec l'intervention de monsieur, achète le condo , le notaire, suivant l'aveu même de monsieur, fait lecture complète de l'acte avant sa signature, lequel réfère à la déclaration de copropriété, ses amendements et à l'acte résultant de la refonte. Madame non plus que monsieur n'ont cru bon d'obtenir une copie des déclarations de copropriété, n'ont interrogé le notaire ou les vendeurs ou l'agent des vendeurs et ils se plaignent aujourd'hui de leur méconnaissance du contenu de ces déclarations.
L'article 1062 C.c.Q. est très clair à l'effet que la déclaration de copropriété lie les copropriétaires, leurs ayants cause et les personnes qui l'ont signée et produit ses effets envers eux, à compter de son inscription. L'inscription de la déclaration de copropriété de 2006 au registre prévu date de l'automne 2006. De plus, les articles 2941 et 2943 du Code civil du Québec stipulent que la publicité des droits les rend opposables au tiers et un droit inscrit sur les registres à l'égard d'un bien est présumé connu de celui qui acquiert ou publie un droit sur le même bien.
Le stationnement intérieur
L'article 1056 C.c.Q. prévoit que la déclaration de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires, sauf celles qui sont justifiées par la destination de l'immeuble, ses caractères ou sa situation.
Le syndicat limite la hauteur maximum à 6 pieds afin de protéger la tuyauterie qui se trouve dans le plafond du stationnement. Cette limite en hauteur est très bien indiquée par l'installation d'une barrière rouge que madame et monsieur voient ou doivent voir lors de leur première visite avant l'achat. Il s'agit d'une limite raisonnable qui vise uniquement à protéger le bien commun, en l'occurrence la tuyauterie contre un accident possible. Il n'y a là ni caprice ni discrimination, mais uniquement une mesure raisonnable.
La longueur et la largeur du camion dépassent ce qui est prévu à la déclaration de copropriété. Madame et monsieur plaident qu'il n'y a aucune entrave autour de cet espace et qu'il s'agit d'un exercice légitime de leur droit de propriété à l'intérieur de ses bornes.
Dans l'avis du Tribunal, ceci signifie que si tous font la même chose que monsieur et occupent toute la place de leur espace de stationnement, plus personne ne peut ouvrir la porte de son véhicule une fois stationné et tout le monde demeure à bord. Ceci est une conception tout à fait erronée du droit de la copropriété, du civisme requis en de telles circonstances et traduit un manque de considération pour le droit de propriété d'autrui.
Le Tribunal considère que les restrictions imposées dans la déclaration de copropriété, quant à la dimension des véhicules autorisés à stationner à l'intérieur sont tout à fait raisonnables, visent à permettre collectivement l'exercice du droit de propriété de chacun et qu'il s'agit de réglementation dont il faut être conscient, non pas après avoir acheté, mais avant d'avoir acheté. En copropriété, lorsqu'il n'y a pas atteinte aux droits fondamentaux, le copropriétaire doit s'adapter aux règlements adoptés pour le bien commun et non pas exiger que les règlements s'adaptent à lui-même, ses caprices ou ses exigences particulières. Le Tribunal conclut que la contestation de madame et monsieur, quant au stationnement intérieur, est non fondée.
Le stationnement extérieur
L'article 8.16 de la déclaration n'est pas vraiment nouveau, car avant son adoption, en 2006, une disposition similaire existait dans le cadre d'un règlement relatif aux parties communes.
Si les demandeurs auraient pris le soin de prendre connaissance de la déclaration de copropriété, ils ne pouvaient ignorer cette disposition. Tous les commentaires du Tribunal relatifs au stationnement intérieur sont valables pour le stationnement extérieur. Il s'agit encore là d'une convention conforme aux principes exposés par notre Cour d'appel dans Kilzi et Morgan et qui entrent dans le cadre de la philosophie de la vie en copropriété exposée dans la déclaration de copropriété de 2006. La contestation des demandeurs n'est donc pas accueillie.
La réclamation du syndicat
Au procès, le procureur du syndicat souligne que la réclamation de 19 415,43$ n'est pas fondée sur l'arrêt Viel de la Cour d'appel du Québec, mais sur le troisième paragraphe de l'article 1103 C.c.Q. qui prévoit que le tribunal peut, si l'action est futile ou vexatoire, condamner le demandeur à des dommages-intérêts.
Les procédures intentées par les demandeurs sont à multiples volets et constituent une attaque tous azimuts contre le syndicat et un affrontement considérable à l'égard de tous les copropriétaires.Le syndicat n'a d'autre choix que de se défendre et il doit également, pour assurer la paix sociale entre les copropriétaires, obtenir une injonction interlocutoire en cours d'instance.
L'action judiciaire intentée par les demandeurs est-elle futile ou vexatoire? Vexatoire non, futile oui. Est futile ce qui a peu de valeur, qui manque de sérieux: c'est le sens commun du terme employé par le législateur à l'article 1103 C.c.Q. Toutes les prétentions des demandeurs sont rejetées par le Tribunal.
L'essence de la problématique est que les demandeurs ont jugé bon de prendre connaissance de la déclaration de copropriété donc de leurs droits et obligations, non pas avant d'acheter, mais après avoir acheté. Elle est aussi que les demandeurs, quoique vivant en copropriété avec toutes les restrictions connues, ne veulent pas se soumettre aux règles établies par les 71 autres copropriétaires, mais veulent plutôt que tous les autres se soumettent à leurs règles à eux. C'est particulièrement vrai dans le cas de monsieur qui se montre intransigeant et impulsif quoiqu'il ne soit carrément pas dans son droit.
Le Tribunal croit qu'il faut condamner les demandeurs à des dommages-intérêts, vu la futilité de leur action judiciaire. Suite d'une correction ces notes d'honoraires totalisent donc la somme de 19 445,43$. Elles n'ont pas été contestées par les demandeurs.
Le syndicat n'a pas choisi d'être impliqué dans une action judiciaire, mais y a été forcé par les demandeurs. Tout découle de la requête des demandeurs visant à obtenir l'annulation de la décision de l'assemblée des copropriétaires en 2006. Sans cette demande d'annulation, il n'y a pas de demande d'injonction permanente ni de réclamation en dommages-intérêts. Les demandeurs auraient dû être conscients de la futilité de leur recours et mettre fin à leurs procédures, suivant l'ordonnance de sauvegarde, ce qu'ils n'ont pas fait. En conséquence, le Tribunal leur ordonne de rembourser la somme réclamée par le syndicat, soit 19 415,43$.
Les dommages des demandeurs
Le Tribunal procède à établir le quantum des dommages de madame et de monsieur, même si manifestement leur réclamation ne sera pas accueillie.
Les dommages réclamés sont allégués au paragraphe 52 de la requête introductive d'instance amendée du 21 avril 2009 et comportent 11 chefs de réclamation. Pour se voir accorder ces dommages, les demandeurs doivent prouver une faute du syndicat, soit qu'elle soit contractuelle ou extra-contractuelle.
Sur le plan contractuel, les demandeurs ont échoué sur toute la ligne. Sur le plan extra-contractuel, et ceci concerne certains chefs de monsieur seulement, ce dernier a également échoué et il n'a prouvé aucune faute du syndicat. Aucune faute n'est établie et aucun recours de nature extra-contractuelle n'est accueilli. Pour les mêmes motifs, il y a lieu de rejeter les conclusions des demandeurs relatives à l'injonction permanente, que cette injonction vise le stationnement intérieur ou extérieur. Les demandeurs n'ont rapporté aucune preuve qui amènerait le Tribunal à leur accorder les conclusions recherchées.