Contestation d'une pénalité: le copropriétaire ne s'adresse pas au bon Tribunal!

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18 octobre 2015

Dans un jugement récent de la Cour du Québec, division des Petites créances1, un copropriétaire qui a poursuivi son syndicat de copropriété en dommages, soit le remboursement de sommes payées au syndicat à titre de pénalité pour des retards de paiement de ses frais de condo, ainsi que pour des frais chargés au copropriétaire lors de l'emménagement de son nouveau locataire. Il poursuit en même temps deux administrateurs du syndicat pour la somme de 3888,90$ pour des dommages non spécifiés.Toutefois, il a vu sa demande rejetée par le Tribunal, car à la base, son recours cherche à faire annuler des règlements de la copropriété, ce qui n'est pas de la compétence de la division des Petites créances de la Cour du Québec.

Résumé des faits retenus par le Tribunal
Le copropriétaire demandeur possède depuis plusieurs années, une unité dans une copropriété comptant quarante-huit unités. Le copropriétaire est une compagnie de portefeuille qui possède l'unité, laquelle est louée à une succession de locataires au fil des ans.

En 2012, l'assemblée des copropriétaires de l'immeuble a adopté certaines modifications à la déclaration de copropriété. Une première a pour effet de créer un système de pénalités contre les copropriétaires qui paient leur frais de condo en retard. Une deuxième, fixe à 1000$ les frais qui doivent êtres payés par les copropriétaires qui louent leur unité lors de l'emménagement d'un nouveau locataire.

En mars 2012, le copropriétaire demandeur accusait certains retards dans le paiement de ses frais de condo, et a donc accumulé des pénalités totalisant 110$, qu'il paie au syndicat. En juillet 2013, le copropriétaire demandeur paie 1000$ au syndicat pour les frais exigibles aux termes de la déclaration de copropriété lors de l'emménagement de son nouveau locataire.

Le Tribunal retient que ces frais et pénalités ont été exigés par le syndicat en application des modifications à la déclaration adoptées par l'assemblée des copropriétaires.

La preuve retenue par le Tribunal
Le juge du Tribunal a entendu les témoignages et la preuve documentaire des administrateurs de la copropriété, ainsi que ceux du copropriétaire. Le syndicat de copropriétaires plaide que les frais et pénalités sont justifiés et raisonnables. Les administrateurs du syndicat invoquent que l'immeuble occupe un emplacement de choix, et que c'est de la volonté d'une majorité des copropriétaires de préserver et accentuer la vocation résidentielle de la copropriété.
Pour sa part, le copropriétaire demandeur soutient le contraire, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent être justifiés, et qu'ils sont déraisonnables.

L'analyse par le Tribunal
Après avoir entendu les témoignages et pris connaissance de documents des parties, le Tribunal arrive à la conclusion que la demande du copropriétaire est irrecevable devant la Division des petites créances de la Cour du Québec. Le Tribunal est d'avis que d'accepter que le copropriétaire a une véritable créance contre le syndicat de copropriété, équivaudrait à dire que les dispositions de la déclaration de copropriété sur lesquelles le syndicat se fonde, sont nulles. Or, le Tribunal rappelle au copropriétaire demandeur que l'article 1103 du Code civil du Québec, lui permet de s'adresser au Tribunal pour faire annuler une décision de l'assemblée des copropriétaires du syndicat. L'article 1103 du Code civil du Québec se lit comme suit:
1103. Tout copropriétaire peut demander au tribunal d'annuler une décision de l'assemblée si elle est partiale, si elle a été prise dans l'intention de nuire aux copropriétaires ou au mépris de leurs droits, ou encore si une erreur s'est produite dans le calcul des voix.
L'action doit, sous peine de déchéance, être intentée dans les 60 jours de l'assemblée.
Le tribunal peut, si l'action est futile ou vexatoire, condamner le demandeur à des dommages-intérêts.

Toutefois, le juge précise que le «tribunal» mentionné à l’article 1103 C.c.Q., n'est pas la Cour du Québec, division des Petites créances, mais plutôt la Cour Supérieure. Le juge précise que selon les articles 31 et 33 du Code de procédure civile du Québec, la Cour Supérieure est le tribunal de droit commun dans la province en première instance et lorsque aucune disposition formelle de la loi donne compétence à un autre tribunal de la province. Les articles 31 et 33 du Code de procédure civile se lisent comme suit:
31. La Cour Supérieure est le tribunal de droit commun; elle connaît en première instance de toute demande qu'une disposition formelle de la loi n'a pas attribuée exclusivement à un autre tribunal.
33. À l'exception de la Cour d'appel, les tribunaux relevant de la compétence du Parlement du Québec, ainsi que les corps politiques, les personnes morales de droit public ou de droit privé au Québec, sont soumis au droit de surveillance et de réforme de la Cour supérieure, en la manière et dans la forme prescrites par la loi, sauf dans les matières que la loi déclare être du ressort exclusif de ces tribunaux, ou de l'un quelconque de ceux-ci, et sauf dans les cas où la compétence découlant du présent article est exclue par quelque disposition d'une loi générale ou particulière.

Conséquemment, le Tribunal indique qu'il n'est pas le tribunal compétent pour juger de la réclamation du copropriétaire, car il revient à la Cour Supérieure de décider si les décisions de l'assemblée qui a adopté les modifications à la déclaration de copropriété, sont nulles. Par contre, le copropriétaire devait déposer un recours en ce sens devant la Cour supérieure dans les soixante jours de la date de la décision, ce qu'il n'a pas fait. Le Tribunal a donc jugé que la demande du copropriétaire devait être rejetée pour ces motifs.


Quant à la réclamation contre les administrateurs du syndicat, le Tribunal a jugé que celle-ci était sans fondement. Il a rappelé au copropriétaire demandeur que les administrateurs sont les mandataires du syndicat, et qu'il n'y a aucune preuve que ceux-ci ont commis une faute ou un abus dans l'exercice de leurs fonctions. Le Tribunal fait la remarque que bien que le copropriétaire demandeur et les administrateurs pouvaient avoir des positions opposantes au sujet de l'application des dispositions de la déclaration de copropriété, le fait d'être en désaccord n'équivaut pas à un abus de pouvoir de la part des administrateurs.

Pour toutes ces raisons, le Tribunal a rejeté la demande du copropriétaire tant à l'égard du syndicat que des administrateurs, et a condamné le copropriétaire à rembourser au syndicat ses frais judiciaires de 174$.
Pour toute question sur le sujet, et sur le droit immobilier en général, n'hésitez pas à communiquer avec notre équipe de juristes spécialisés en la matière.

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