Dans un jugement récent de la Cour du Québec, division des Petites créancesi, un copropriétaire qui a posé une affiche «À louer» pour son unité de condo, alors que la pose est interdite par la déclaration de copropriété, s'est vu condamné par le Tribunal à rembourser les frais d'avocats engagés par le syndicat de copropriété.
Les parties et leurs prétentions
Le syndicat de copropriété de l'immeuble réclame à l'un des copropriétaires de l'immeuble, la somme de 575,56 $ en remboursement des honoraires d’avocats engagés pour lui envoyer une mise en demeure. Le syndicat prétend devant le Tribunal, que l'affiche «À louer» posée par le copropriétaire dans sa partie privative est interdite par la déclaration de copropriété.
Pour sa part, le copropriétaire défendeur conteste la réclamation invoquant que le syndicat se fermait les yeux par rapport à plusieurs violations de la déclaration de copropriété par les autres copropriétaires, entre autres, l'installation d'affiches «À vendre» et la présence d'animaux domestiques.
Le copropriétaire se défend en disant que le syndicat est malvenu de lui appliquer la déclaration de copropriété avec rigueur, lorsque le syndicat tolère le non-respect de celle-ci par les autres copropriétaires. Il prétend également, que le syndicat n'avait pas respecté la procédure d'avis d'infraction, et que la mise en demeure par avocat aurait dû être précédé par un avis de la part du syndicat transmis par courrier recommandé. Conséquemment, il qualifie comme abusive la réclamation par le syndicat.
LES FAITS ET TÉMOIGNAGES RETENUS PAR LE TRIBUNAL
Il s'agit d'une déclaration de copropriété publiée en 2001, et le copropriétaire défendeur est le propriétaire d'une unité privative dans l'immeuble depuis 2014.
Quelques jours avant la signature de l'acte d'achat chez le notaire, le copropriétaire défendeur pose une affiche «À louer» dans la fenêtre de la partie privative dont il deviendra le propriétaire en titre dans quelques jours.
Après avoir remarqué cette affiche, l'un des administrateurs communique avec le copropriétaire défendeur pour s'assurer qu'il a une copie de la déclaration de copropriété, et lui signale qu'il ne peut pas installer cette affiche dans la fenêtre de l'unité de condo.
Le copropriétaire répond à l'administrateur, que le copropriétaire de qui il avait acheté l'unité a eu une affiche «À vendre» depuis six mois. Il a ensuite attiré l'attention de l'administrateur sur le fait qu'il y avait alors environ cinq affiches «À vendre» dans les fenêtres de d'autres unités de l'immeuble.
Le copropriétaire a informé l'administrateur qu'il considérait avoir le droit de poser cette affiche dans la fenêtre de sa partie privative, car il a acheté l'unité pour pouvoir la louer.
Quelques jours après, le syndicat a transmis un communiqué à tous les copropriétaires les enjoignant de respecter la déclaration de copropriété et plus particulièrement, le règlement relatif aux pancartes et affiches. Dans cet avis, le syndicat avise tous les copropriétaires, que la tolérance des affiches dans les fenêtres prendra fin, et qu'aucune affiche ne sera tolérée dans les fenêtres. Par conséquence, tous les copropriétaires devront dorénavant respecter l'interdiction d'afficher, imposée par la déclaration de copropriété.
Le copropriétaire défendeur nie avoir reçu ce communiqué, mais tous les autres copropriétaires retirent leurs affiches dans les jours qui suivent. Le copropriétaire défendeur ne retire pas la sienne.
Le syndicat a remarqué que tous les autres copropriétaires se sont conformés à cet avis, sauf le copropriétaire défendeur dont l'affiche demeure dans l'une de ses fenêtres.
Le syndicat a alors mandaté un avocat pour préparer et lui transmettre une mise en demeure de retirer son affiche, et à rembourser des frais d'avocat de 225$ engagés pour l'envoi de la mise en demeure. Par cette mise en demeure le copropriétaire est informé qu'à défaut de s'y conformer, le syndicat entreprendra des procédures d'injonction et de dommages-intérêts à son égard.
Quelques jours plus tard, le copropriétaire a retiré son affiche «À louer», mais ne rembourse pas le syndicat pour ses frais d'avocat. Trois mois après, le syndicat dépose une réclamation au Tribunal.
ANALYSE ET DÉCISION PAR LE TRIBUNAL
Selon le Tribunal, bien que le copropriétaire a la libre jouissance de sa partie privative et des parties communes de l'immeuble, il est tenu de respecter la déclaration de copropriété qui vise l'immeuble, et ne pas nuire aux autres copropriétaires.
La déclaration de copropriété peut imposer des obligations particulières aux copropriétaires de l'immeuble et au syndicat lui-même.
Le Tribunal a rappelé aux parties que la déclaration de copropriété est un document à caractère contractuel, et que selon l'article 1062 du Code civil du Québec, son respect est obligatoire pour tous les copropriétaires. L'article 1062 C,c,Q. Se lit comme suit:
1062. La déclaration de copropriété lie les copropriétaires, leurs ayants cause et les personnes qui l'ont signée et produit ses effets envers eux, à compter de son inscription.
Le Syndicat a plaidé et a fait la preuve que le copropriétaire défendeur a enfreint une disposition de la déclaration de copropriété, lequel prévoit :
5.1.13 aucune enseigne ou affiche de publicité de quelque sorte, ne sera installée sur une partie exclusive;
Le Tribunal considère que l'affiche «À louer» posée par le copropriétaire défendeur a contrevenu à la déclaration de copropriété.
Le copropriétaire défendeur a plaidé que le syndicat avait toléré depuis longtemps des contraventions de ce type à la déclaration de copropriété. Toutefois, le Tribunal a remarqué que le syndicat avait mis fin à cette tolérance par son avis à tous les copropriétaires et qu'ils devaient tous respecter dorénavant les dispositions de la déclaration de copropriété à cet égard. Le Tribunal a souligné que le syndicat était alors en droit d'exiger au copropriétaire défendeur de retirer son affiche, comme tous les autres copropriétaires.
Le Tribunal estime que même s'il tient pour vrai que le copropriétaire défendeur n'avait pas reçu l'avis transmis par le syndicat, qu'il a néanmoins été avisé verbalement par l'un des administrateurs, et la déclaration de copropriété interdit clairement l'affichage par les copropriétaires.
Conséquemment, selon le Tribunal, la défense d'une «tolérance» antérieure par le syndicat ne peut être retenue.
Le Tribunal a aussi remarqué que rien dans la déclaration de copropriété exigeait l'envoi d'un avis d'infraction par courrier recommandé, comme étape préalable à l'envoi d'une mise en demeure par avocat. Selon le Tribunal, le syndicat n'avait donc pas agi de manière prématurée.
Le Tribunal a souligné aux parties qu'aux termes de la déclaration de copropriétaire, le syndicat pouvait tenir les copropriétaires responsables des dommages causés au syndicat par le non respect de la déclaration par le copropriétaire, en ce cas les honoraires que le syndicat a dû engager pour assurer le respect de la déclaration de copropriété.
Toutefois, le Tribunal rappelle au syndicat que le coût des services légaux réclamés doit être proportionné et raisonnable. La signification par huissier de la mise en demeure n'était pas justifiée et aurait pu être fait par courrier recommandé. Donc, le Tribunal a retranché les frais d'huissier, et les honoraires de l'avocat pour la prise de connaissance du rapport de signification.
Le Tribunal a alors condamné le copropriétaire défendeur à payer au syndicat la somme de 440,46 $ avec les intérêts calculés au taux légal à compter de la mise en demeure.
Pour toute question sur le sujet, ou pour toute question en droit immobilier, n'hésitez pas à communiquer avec notre équipe de juristes spécialisés en la matière.
Dossier 200-32-062210-140, 2016 QCCQ 6681